À l’aide de deux récits, cette brochure nous éclaire sur des rapports que peuvent entretenir des enfants au cadre et à l’autorité au regard de la mise en œuvre de permis, et à la manière dont ces derniers sont tenus par les équipes pédagogiques. Utile pour toute personne visant la mise en place de cadres justes et anti-âgistes avec des groupes d'enfants.
Dans cet article
Ce qui est très curieux, c’est que la visée de ce qu’on appelle l’autonomie s’est posée dans un rapport antinomique avec le fait institutionnel. Être autonome, serait être hors des institutions. L’autonomie, ça n’est pas vivre hors toutes institutions, c’est avoir autant que possible barre sur les institutions qui se produiront, qui se construiront, pour qu’on puisse en dire « ce sont les institutions que nous avons produites, que nous avons construites ». C’est-à-dire avec lesquelles nous avons un rapport de maîtrise et de réflexivité. Le rapport de réflexivité étant de la plus haute importance puisque c’est lui qui, normalement, emporte la possibilité de principe de la révision des institutions.
Avant propos
Le permis, outil s’inscrivant dans la pédagogie institutionnelle, est utilisé régulièrement par différent·es membres du réseau Second souffle depuis plusieurs années. Avec une idée simple : permettre aux enfants d’accéder à une liberté d’action qui leur est habituellement refusée pour diverses raisons (peur des adultes, confrontation à des dangers, etc.).
Pour autant, le permis n’est pas un outil facile à manipuler, cependant il nécessite que les équipes pédagogiques comprennent bien le concept de sanction, que toutes les personnes impliquées dans leur fonctionnement soient très au clair sur les cadres qu’ils génèrent, etc.
Les deux récits livrés dans cette brochure proposent de donner à voir des conséquences possibles de la mise en œuvre de permis, et illustrent bien l’intérêt que ces derniers peuvent avoir lorsque des climats de défiance peuvent exister entre des groupes d’enfants et les équipes pédagogiques.
L’accès au château rose
Contexte
Cet épisode a eu lieu à mi-parcours d’une colonie de vacances qui s’est déroulée durant l’été 2018. Pour préciser le cadre de cette colonie, elle part d’un projet porté par plusieurs personnes de Second souffle. Il s’agissait de travailler en codirection (fonctionnement tendant entre autres à déhiérarchiser les statuts) dans un lieu en gestion libre (sans personnel technique). Cette colonie a accueilli une quarantaine d’enfants âgé·es de 7 à 13 ans dans un fonctionnement aussi libertaire que ce que permettaient les contraintes institutionnelles, humaines, matérielles… Plusieurs permis avaient été mis en place, ils permettaient aux enfants d’accéder à des espaces d’activités après avoir échangé plusieurs dizaines de minutes avec les anims sur les risques que comportait le lieu : risque de blessure, risque de conflit, d’exclusion, d’oppression… Après cet échange et une période probatoire où un·e animateur·rice était présent·e, les enfants, détenteur·rices alors du permis, pouvaient accéder au lieu sans animateur·rice à certains moments de la journée.
Raphaël
J’étais animateur dans cette colonie et les enfants accueillis nous mettaient quelquefois en difficulté. L’équipe d’animation adoptait une posture suffisamment réfléchie pour qu’une grande partie des enfants qui avait l’habitude de la collectivité et de la confrontation à des équipes d’adultes reconnaisse la justesse des rapports que l’on tentait d’établir. En illustration, les dires d’Anjara, 9 ans, qui avait probablement plus de colos à son actif que la moitié de l’équipe :
« D’habitude je leur mets la misère aux adultes, mais vous je vous aime bien donc je suis calme. Je ne suis pas aussi calme d’habitude. »
Cette phrase montrait la confiance qu’avaient certain·es enfants, habitué·es à se rebeller contre une autorité injuste et la qualité de la relation qu’iels avaient avec l’équipe. La compréhension du cadre vis-à-vis de la sanction allait même suffisamment loin pour que d’autres enfants jouent avec des animateur·rices à la punition — l’enfant se mettait volontairement dans une situation de punition humiliante — bien conscient·es de l’absurdité de la situation de punition pour en faire un jeu comique, voire malaisant pour l’animateur·rice. Iels savaient que les adultes ne les puniraient pas pour de vrai, et que donc c’était marrant de faire semblant de s’être fait punir par un adulte…
C’est donc dans ce contexte que j’ai rencontré Alexandre, 9 ans, et son cousin et ami Samuel, 10 ans. Ils avaient compris que ce n’était pas « une colo comme les autres », mais pour eux, c’était plutôt dans le sens où « on peut faire des bêtises… les adultes ne punissent pas ». En effet, nous ne punissions pas les enfants, nous mettions en place des sanctions qui étaient à chaque fois le plus possible en rapport avec la transgression de l’enfant.1 Nous tentions alors de le responsabiliser, le réhabiliter, lui faire comprendre le cadre, voire lui donner les moyens de le modifier lui-même lorsque ce dernier se révélait inadapté. Malgré cela, comme nous ne faisions pas un spectacle des sanctions mises en place, certains comme Alexandre n’avaient retenu que : « je ne me ferai pas punir ». Difficile pour eux d’appréhender le reste du message stipulant qu’il n’était pour autant pas possible de vivre dans l’inconséquence de nos actes, quels qu’ils soient. Il lui est alors arrivé d’avoir des comportements violents, voire harcelants envers certain·es enfants, comme lorsque je l’avais surpris à plusieurs reprises mettre des coups à d’autres enfants. Après lui avoir dit qu’il n’avait pas le droit de faire ça, certain·es étaient revenu·es se plaindre de lui en précisant qu’il les frappait « quand il n’y avait pas d’adulte à côté ». Je prévins alors Alexandre dans une discussion ferme que « s’il continuait consciemment à transgresser les cadres établis en l’absence d’adulte, il serait contraint de rester continuellement avec un adulte. »
C’était une sanction assez forte par rapport au cadre du séjour, car les enfants avaient une très grande liberté de circulation, notamment dans les temps informels qui représentaient la majorité de la journée (8h>10h ; 13h>14h ; 17h>19h30). Durant ces temps informels, les différents espaces d’activités étaient soit ouverts par des anims, soit régulés par des permis. Seul·es les enfants ayant « passé leur permis » pouvaient accéder à ces espaces sans animateur⋅rice. Il y avait un permis gymnase, un permis terrain de sport, et un permis balançoire. Être contraint·e d’être toujours accompagné·e d’un·e adulte était donc une perte de droit significative. Je précise que ce n’est pas l’aspect contraignant de cette sanction qui me paraissait adaptée, mais c’était la seule permettant qu’Alexandre soit régulé d’une manière ou d’une autre lorsqu’il transgressait des règles (d’interaction sociale notamment : ne pas frapper les autres).
Alexandre était donc prévenu. L’après-midi je devais aller accompagner des enfants aux urgences. En revenant de l’hôpital vers 17h, quelle ne fut pas ma surprise d’apercevoir Samuel et Alexandre sans adulte dans une zone explicitement hors permis : le château rose. Ce dernier était une construction en parpaing de deux mètres de haut et de large : comme un château miniature, on pouvait y entrer et faire le tour de la muraille par l’intérieur, se percher sur les tours ; très attractif pour des enfants de 6-12 ans, pile la tranche d’âge du public que nous recevions. Il se trouvait en bordure de la zone balançoire régie par un permis dans lequel il était précisé : « Le permis balançoire donne uniquement accès à la balançoire, à la barre de traction, au tourniquet-trapèze, au filet et à la tyrolienne », et qui excluait donc le château rose. C’était précisé à l’oral lorsque les enfants passaient leur permis. La raison était simple : les 4m² de la cour du château rose étaient remplis de planches clouées de palettes brisées et de lourdes pierres qui ne mettaient pas en confiance l’équipe adulte. Nous avions pensé à nettoyer ce lieu, mais le travail que cela représentait nous l’avait fait placer très bas dans l’ordre des priorités lors des journées de préparation, et nous avions fini par décider d’en interdire l’accès : « Il y a plein d’autres espaces de jeu, les enfants comprendront… »
Il semblait que Samuel et Alexandre n’avaient pas compris cet après-midi-là. J’arrivai donc furieux vers eux en leur demandant « Qu’est-ce que vous faites ici sans animateur ? … Et depuis quand êtes-vous là ? » ajoutai-je quand je vis que les planches et pierres avaient toutes été sorties du château.
« Depuis après le repas… On a notre permis balançoire », me répondirent-ils précipitamment lorsqu’ils virent mon regard surpris et furieux du temps passé seul dans cet endroit dangereux.
« Le château rose est hors zone de permis balançoire ! » leur rétorquais-je.
« Oui, mais… »
« Non je n’en ai rien à faire ! » les coupai-je brutalement. « Le château rose est hors zone balançoire, c’est hyper dangereux ici, vous avez manipulé seuls toute l’après-midi des planches cloutées, vous avez eu de la chance de ne pas vous blesser. Je reviens juste des urgences, j’aurais dû y retourner ! Donc puisque c’est ça, vous perdez tous les deux définitivement votre permis balançoire et Alexandre tu devras rester 24 heures, tout le temps accompagné d’un adulte, je t’avais prévenu ce matin ! »
« Mais… » tenta-t-il
« Pas de « mais », tu me suis un point c’est tout, et toi Samuel, tu retournes avec les autres… »
Nous quittâmes alors le château rose « nettoyé » avec un Alexandre tout penaud derrière moi et un Samuel pas plus fier…
J’étais furieux comme quand des situations surviennent et viennent questionner la pédagogie à laquelle on croit tant. Les permis marchaient bien. Ils nous permettaient de donner beaucoup de liberté aux enfants tout en garantissant une certaine sécurité malgré un taux d’encadrement plus faible que ce que nous souhaitions pour mettre en place une pédagogie visant l’autodétermination des enfants. Samuel et Alexandre venaient de mettre en péril dans mon esprit l’idée que les permis étaient suffisants pour assurer la sécurité des enfants et que nous pouvions leur faire confiance pour ne pas faire de transgressions majeures qui amenaient à une mise en danger trop forte.
J’avais juste pris le temps d’expliquer à Alexandre le cadre de la sanction : « le but n’est pas de t’embêter, mais de nous assurer que tu ne te mets pas en danger et que tu ne mets pas en danger les autres, donc pour l’instant tu restes avec moi, mais tu pourras aller avec d’autres adultes ensuite, s’ils sont dans des espaces que je croise et dans lesquels tu veux rester. Et ça, pendant 24h. Tu as compris ? » Après m’être assuré qu’il avait acquiescé, je m’étais remis au travail sans lui accorder plus d’attention. C’était une journée compliquée, une de celles où les imprévus sont nombreux alors que l’équipe est en sous-effectif (la journée où il y a 2 congés, dont le cuisinier, sur une équipe de 9 parce qu’on n’ a pas le choix). Je courais donc d’une tâche à l’autre : finir les douches, s’assurer que quelqu’un mette la table, que les espaces de permis « tournaient » dans le sens où les règles étaient respectées. Mais après 3⁄4 d’heure suivi d’un Alexandre pleurnichant et traînant les pieds, forcé par la quantité de travail à faire avant le repas, je décidai de l’amener à Lionel qui tenait sa permanence d’assistant sanitaire.
Lionel
En tant qu’assistant sanitaire du séjour, je tenais ma permanence à l’infirmerie quand arriva Raphaël avec Alexandre. Exténué d’une après-midi aux urgences, Raphaël m’informa qu’en arrivant sur le centre, il avait trouvé Alexandre et Samuel en train de jouer dans le château rose.
Raphaël m’informa donc des sanctions qu’il avait posées aux deux intéressés à savoir : perte définitive de leur permis pour les deux ; Alexandre, au vu de ses aptitudes à transgresser le cadre en l’absence d’adulte, devait passer les 24 heures suivantes constamment accompagné d’un·e adulte.
C’est ainsi que Raphaël, qui ne pouvait assurer cette partie de la sanction pour Alexandre, me « refila le bébé ». N’ayant que peu de disponibilité pour cet enfant sanctionné, Alexandre me suivit donc partout où j’allais en râlant à l’injustice. Mes réponses à ces sollicitations devaient être de l’ordre du : « Raphaël t’a sanctionné, tu trouves peut-être ça injuste, mais j’ai des trucs à faire donc j’applique simplement ta sanction. On verra ce qu’on fait de toi plus tard. Pour l’instant ben… tu fais ta vie avec moi. »
Voilà ! Une sanction était posée par un membre de l’équipe, par principe, on ne contredit pas son collègue, alors j’appliquais la sanction.
Après une heure à vadrouiller un peu partout dans le centre avec Alexandre, qui commençait franchement à me gonfler à ronchonner à l’injustice, j’eus enfin 5 minutes à lui consacrer. Je n’étais pas là au moment de la transgression, je pris le temps d’écouter son récit des évènements afin de déterminer si oui ou non la sanction était injuste.
En écoutant Alexandre, j’appris que quand Raphaël était rentré de l’hôpital, il avait trouvé Alexandre et Samuel dans le château rose, et que par conséquent il les avait sanctionnés. Toutefois, Alexandre expliqua l’injustice de la sanction : Samuel et lui-même avaient demandé à Thomas (un autre adulte de l’équipe) s’ils pouvaient jouer dans le château et ce dernier leur aurait donné son accord.
Nous voilà donc dans une situation où Raphaël aurait posé une sanction contestée par son caractère injuste, et où Thomas aurait donné son accord. Connaissant la capacité de nuisance d’Alexandre face à une injustice, il me fallut donc, comme si je n’avais que ça à faire en cette fin de journée bien chargée, entamer une enquête pour démêler le vrai du faux.
Nous partîmes à la recherche de Thomas pour vérifier les dires d’Alexandre. Entre deux rondelles de tomates mozza, Thomas (qui remplaçait le cuisinier) confirma qu’il avait bien dû leur dire un truc du genre « Ben oui allez-y ! Vous avez votre permis balançoire! »
Et voilà ! Merci Thomas ! Le château rose n’a rien à voir avec le permis balançoire, il est clairement indiqué dans le permis balançoire : « Espace et limites : le permis balançoire donne uniquement accès à la balançoire, à la barre de traction, au tourniquet-trapèze, au filet et à la tyrolienne. »
J’ai donc les éléments qui me manquaient pour comprendre toute l’histoire. Thomas, pressé et occupé, en répondant sans vraiment écouter la demande apparemment liée au permis balançoire avait autorisé une transgression que Raphaël sanctionna lourdement au vu du passif des deux artistes.
On se retrouve donc dans une situation où deux animateurs surchargés, ont mis en péril le statut de l’équipe, l’un en ayant négligemment autorisé une transgression, l’autre en sanctionnant sans enquêter. La confiance dans la justesse du cadre global du séjour est ébranlée, Thomas génère de l’absence de structure, Raphaël passe pour tyran, Samuel et Alexandre ont perdu leurs permis, et Alexandre a perdu deux heures de son temps parce que ces animateurs, finalement faillibles, se montrent parfois incohérents.
Que faire pour rétablir la confiance et la justice sans miner le statut de Thomas et Raphaël ?
En sortant de la cuisine, Alexandre me dit « Tu vois j’ai pas menti, je peux récupérer mon permis ? » Notons au passage que la perte du permis le tracasse plus que passer 24 heures avec un adulte. N’ayant pas moi-même posé la sanction je propose à Alexandre d’aller voir Raphaël.
Entre deux douches, Raphaël prend le temps d’écouter l’issue de mes investigations et prend conscience de son erreur de jugement.
15 secondes de discussion et nous voilà partis pour rétablir le permis d’Alexandre et Samuel.
Le lendemain matin, alors que j’occupais le rôle d’animateur permis (en gros j’étais garant des espaces ouverts en autonomie), les deux loustics de la veille vinrent vers moi pour nous monter (à moi et Raphaël) ce qu’ils avaient fait dans le château rose la veille.
Première constatation : ils ne nous détestaient pas, et étaient même fiers de nous expliquer tranquillement qu’ils avaient passé leur après-midi de la veille à charrier tout un tas de débris qui encombraient le château rose. Ils nous montrèrent le tas de planches pleines de clous rouillés qu’ils avaient entreposées à l’écart du château rose. Je plaisantais alors en faisant remarquer que le lieu était beaucoup moins dangereux à présent.
C’est là que je pris conscience que ces deux enfants de moins de 10 ans avaient parfaitement conscience des dangers présents dans le château rose. La veille, ils avaient passé leur temps à aménager cet espace pour y jouer en sécurité.
Je leur proposais donc dans un souci d’équité vis-à-vis des autres enfants d’écrire ensemble le permis balançoire niveau 2, intitulé « château rose ». S’ils voulaient jouer dans le château rose, il était nécessaire de créer le cadre permettant à tou⋅tes de jouer dans ce lieu. Je pris alors quelques minutes pour élaborer avec Samuel et Alexandre le cadre de l’utilisation du château sans adulte, cherchant à expliciter ce à quoi il fallait faire attention lorsqu’on y jouait, même en l’absence de détritus.
Après avoir terminé, le temps d’activités informelles commença, et je les laissais seuls dans leur château. C’est là qu’ils me demandèrent : « Mais quand est-ce qu’on pourra passer notre permis ».« Vous n’avez pas besoin de le passer, en l’écrivant avec moi, vous avez largement démontré votre capacité à prendre en compte les risques lorsque plusieurs enfants joueront ici » répondais-je, à leur plus grande surprise.
PERMIS BALANÇOIRE NIVEAU 2 - CHÂTEAU ROSE CONDITIONS D’ACCÈS À L’ESPACE Les enfants désirant rejoindre l’espace château rose doivent avoir des chaussures (des chaussures fermées sont préférables, mais ce n’est pas obligatoire) et une casquette si le terrain est au soleil. Pour pouvoir aller sur le terrain, il faut minimum 3 enfants (cf. protocole d’urgence) dont 2 possédant le permis château rose. Il est obligatoire de demander l’autorisation à un·e animateur·rice avant d’accéder à l’espace balançoire dans le cadre du permis. LIMITES Le permis château rose donne accès au château rose si l’on possède déjà le permis balançoire. L’accès y est limité à 5 personnes maximum dans le château et à 2 personnes dans le donjon du château. DANGERS POTENTIELS Une prévention des dangers sera de mise dans chaque espace. Si quelqu’un se met en danger, il faut le prévenir. PRINCIPAUX DANGERS REPÉRÉS Risque de chute depuis le haut des murailles et du donjon Planches à clous RÈGLES ET CONSIGNES Ne pas s’asseoir sur le haut du donjon et des murailles. Éviter le côté où sont rangées les planches à clous. Ne pas ramener de planches ou de pierres dans le château Interdiction de pousser, bousculer, tirer… PROTOCOLE D’URGENCE En cas d’accident, il existe un protocole : Sécuriser : arrêter toute activité pouvant mettre en danger la personne touchée. Prévenir : une personne part à la recherche d’un.e anim’. Secourir : une personne reste à côté de la personne blessée, lui parle et lui demande si elle est capable de bouger la partie du corps douloureuse, mais sans la forcer à le faire. Ne pas la relever non plus. PARRAINAGE Des enfants ayant le permis balançoire niveau 1 peuvent accéder au château rose à la condition qu’iels soient parrainé·es par au minimum 2 enfants possédant le permis. Dans ce cas, les parrains ou marraines (celleux ayant le permis) doivent expliquer les différentes règles et consignes du permis et sont tenus pour responsables des transgressions commises par les parrainé·es (enfants n’ayant pas le permis). FERMETURE Le coin se ferme automatiquement si moins de 3 personnes veulent rester ou si moins de 2 personnes ayant le permis veulent rester. Celleux désirant quitter le terrain ne doivent subir aucune pression de la part de celleux voulant rester. SANCTION En cas de non-respect des règles, le permis pourra être retiré de manière temporaire, voire définitive, en fonction de la gravité du problème et ainsi que la répétition. Dans le cas d’un parrainage, la sanction portera sur le parrain ou la marraine ou sur le ou la parrainée en fonction des situations. |
Raphaël
Du moment où Lionel proposa l’écriture d’un nouveau permis jusqu’à celui où il déclara à Alexandre et Samuel qu’ils l’avaient obtenu en l’écrivant, je pris une leçon de pédagogie silencieusement. Tout le long, je me répétais dans ma tête « c’est évident que c’était ça qu’il fallait faire ! » La posture de Lionel et la démarche réhabilitèrent tout en même temps : la confiance des enfants envers les adultes, la confiance des adultes envers les enfants, la confiance de tous·tes envers un cadre qui se montrait adaptable aux situations et aux besoins.
Et en même temps, je me rendis compte que nous avions été mis en échec, les erreurs de Thomas et moi avaient été précipitées par la situation et le sous-effectif. Je me rendis compte également de l’intérêt d’avoir une personne détachée, capable de prendre du recul. Cela ne veut pas dire qu’il faut un directeur ou une directrice, mais au moins un rôle (pouvant tourner) tenu par quelqu’un qui saura prendre le temps quand le reste de l’équipe ne le peut pas.
Enfin, cet épisode fut l’aboutissement sur notre colo de la démarche autour des permis : en une semaine, en arriver au point où des enfants elleux-mêmes écrivent les règles et attentions permettant de sécuriser un espace montrait que nous avions fait un pas de géant dans l’apprentissage de la prévention des risques.
Cet épisode montre bien qu’en pédagogie, la gravité d’une transgression n’appelle pas mécaniquement une réponse forte. Ou alors, si elle est qualifiée de « forte », ce n’est pas en termes de contrainte et de force, mais plutôt en termes de pédagogie et d’attentions portées aux raisons de cette transgression.
Il est permis de se balader si…
Charline
Nous sommes en sortie de confinement et j’entame ma première semaine dans une structure accueillant une soixantaine d’enfants. La colo est découpée en petits séjours indépendants dans la structure (il faut se croiser le moins possible, situation covid oblige). Chaque séjour dure 7 jours avec une thématique précise. Mon groupe est constitué de 13 garçons et 3 filles avec une grande majorité d’enfants venant de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et qui viennent pour le « séjour moto ». Mais iels n’avaient pas été prévenu·es que la prestation moto était prévue la deuxième semaine, et qu’iels étaient en « séjour nature » pour la première. En bref construire des cabanes et regarder les insectes n’étaient pas vraiment leurs projets. À part regarder l’autre groupe faire des tours de motos, en essayant chaque jour de demander à l’encadrant·e s’iels pouvaient monter dessus « juste pour essayer », iels n’étaient pas très motivé·es pour faire autre chose.
Concernant l’équipe, nous étions trois dont un adulte spécifiquement dédié à un enfant en situation de handicap qui devait très régulièrement sortir du grand groupe, un autre avec très peu d’expérience, et moi-même qui ne suis pas la plus efficace en termes de cadrage, et tend souvent vers l’absence de structure. Mais avec ce groupe-là et les contraintes liées aux personnel·les du centre pas très convaincu·es par les pédagogies libertaires et pédagogie nouvelle, nous n’avions pas beaucoup de droits à l’erreur.
Le troisième soir, le groupe ne voulait pas faire les veillées proposées, et nous avions choisi de les laisser en activité libre et informelle devant le centre. Chacun·e vaquait à ses occupations plus ou moins en groupe, certain·es faisaient de la balançoire, d’autres discutaient sous un arbre, trois jouaient au basket, etc. Tout paraissait calme et apaisé jusqu’au moment où Mathis et Stan vinrent me voir : « Y’a Evan, Kylian et Maéva qui sont partis, on n’arrive pas à les retrouver ». « Comment ça ils sont partis ? » demandai-je ? « Bah ils sont partis se balader, mais on les trouve plus ».
Je me dirigeai donc très vite vers Théo (mon collègue animateur) qui était en train de jouer avec trois enfants au basket pour lui demander s’il les avait vu·es, ce à quoi il me répondit négativement. Pareil pour les enfants autour. Nous partîmes donc à leur recherche en allant dans la forêt qui se trouvait au-dessus du centre. « Ils sont partis il y a longtemps ? Vous n’étiez pas en train de jouer avec eux ? » Le stress commence à monter. Nous faisons tout le tour à l’extérieur, à l’intérieur de la structure… Rien, ils ne sont pas là.
Raphaël
J’entamais ma deuxième semaine de colo comme codirecteur. Chaque semaine était divisée en plusieurs séjours correspondant à une tranche d’âge et à une thématique. L’un des groupes m’inquiétait quelque peu… Je sortais donc pour faire un tour des veillées et voir comment cela se passait en ayant en priorité le groupe « aventure-nature, 9-12 ans ». Comme je ne les trouvais pas , je me mis à un point stratégique du Centre à l’extérieur. Il y avait un anim qui jouait au basket avec trois enfants parmi les plus calmes, l’anim un pour un avec « son enfant » et un autre enfant… et il en manquait 11 et une animatrice. Je connaissais bien l’animatrice en question, nous avions déjà fait plusieurs colos ensemble, il s’agissait de Charline. Je m’adressais donc à Théo (pour qui c’était la première colo) : « Où ils sont tous ? » « Je ne sais pas, me répondit-il, j’en ai marre donc je m’occupe de ces trois-là… » OK… rien de bon dans cette réponse. J’allais alors voir l’autre animateur qui me dit avec un air désolé « Je dois rester avec Benjamin là, il a besoin de calme. Charline est partie à la recherche de 3 enfants qui ont disparu, elle est avec 4 autres qui ont voulu l’accompagner ».
Et c’est alors que j’aperçus au loin Charline avec 4 enfants qui sortaient de la forêt. Et au même moment, dans mon dos, apparurent les trois « fugueurs » qui revenaient tranquillement de leur balade du soir. Iels me dirent qu’iels s’étaient bien baladé·es, qu’iels avaient passé un bon moment et qu’un chien avait failli les mordre. Je leur fis un petit discours démontrant que ce qu’iels présentaient comme une « aventure cool » était en fait une mise en danger et qu’il était interdit de s’éloigner des animateur⋅rices sans leur demander la permission, encore moins en sortant du centre. Je dis alors à tout le monde de se réunir en quelques minutes, nous échangeâmes avec Charline qui paraissait exténuée et désemparée. Je lui dis : « Ça ne va pas du tout. C’est en train de partir en vrille là. Ceux qui sont « partis en balade » ne voient même pas le problème de ce qu’ils ont fait. Le groupe a l’impression que tout est permis, ils n’ont pas de repères. » Charline partagea le constat en ajoutant « Oui, mais en même temps c’est hyper dur de faire du jeu formel avec eux, ils refusent tous les jeux à règles : ils n’aiment que déambuler, mais en même temps ils font grave de la merde au bout d’un moment ». Je terminai par « C’est le moment de lancer un permis balade, c’est le seul truc qui peut rattraper la situation. ».
Charline et moi connaissions plutôt bien les permis pour les avoir utilisés dans d’autres colos. Durant la prépa, nous avions abordé la possibilité de mettre en place un permis baby-foot, mais l’équipe n’était pas assez motivée et formée pour les tenir : quelques anims auraient su le faire et seul un tiers s’était montré intéressé par l’outil. Ce soir-là, c’était pour moi évident qu’il fallait un permis balade. Il fallait renouer avec l’institutionnel : reposer la limite de ce qui n’est absolument pas possible (sortir du centre sans adulte et sans moyen de communication) et reconnaître et légitimer le désir des enfants (pouvoir circuler librement, avoir des moments hors du grand groupe en petit groupe, pouvoir souffler un peu…). Le permis pouvait articuler tout ça.
Nous prîmes donc la décision avec Charline de reposer le cadre. Nous ne savions pas exactement ce que nous allions dire, mais cela devait être co-porté par une animatrice (pour ne pas affaiblir davantage le statut des anims de ce groupe qui était déjà clairement fébrile) et par un directeur (pour accroître les chances d’écoute). Charline reposa alors qu’il n’était pas possible de partir hors du centre ou de s’éloigner du groupe sans demander à un adulte : nous étions dans un endroit touristique fréquenté par des personnes de passage, des voitures roulaient vite sur des routes à mauvaise visibilité. Je continuais en disant que pour autant, nous comprenions leur désir de pouvoir se balader sans adulte, on voyait l’intérêt que cela pouvait avoir à leurs yeux. Nous annonçâmes à ce moment-là qu’à partir du lendemain, iels auraient tous⋅tes la possibilité de passer le permis balade. Face à leur regard interrogateur, je précisais que le permis était une manière de les autoriser à se balader sans adulte s’iels étaient capables de prouver qu’iels savaient le faire sans se mettre en danger. Plusieurs échangèrent des regards enjoués « Woaw, on va pouvoir se balader tout seuls. » Plusieurs aussi, posèrent des questions « On pourra sortir du centre ? Pendant combien de temps ? On peut commencer ce soir ? » Je restais ferme en expliquant que ce ne serait pas possible dès ce soir-là, car il fallait que les adultes réfléchissent aux règles et aux modalités du passage de permis. J’assurais que dès le lendemain soir, celleux qui voudraient utiliser leur permis pour une balade pourraient le faire.
Charline et moi conçûmes alors le soir même un permis avec des règles claires : possibilité de se balader dans une zone déterminée, sur une durée limitée, sans être accompagné⋅es d’adulte par groupe de 3 à 4 avec un talkie-walkie pour prévenir les adultes en cas de problèmes. La zone de balade avait été définie de manière à laisser suffisamment d’espaces pour que les groupes en balade aient vraiment la possibilité de pouvoir s’éloigner et s’isoler, surtout du côté de la forêt et moins du côté des habitations. Plusieurs éléments devaient être testés dans le passage de permis, la capacité à tenir les règles en petit groupe, la capacité à utiliser un talkie-walkie, la capacité à identifier les limites de l’espace balade, la capacité à prévenir un animateur en cas d’accident.
Nous imaginâmes un passage de permis sous forme de jeu de piste : on formerait des groupes de 4 et chaque groupe partirait avec un talkie-walkie à la recherche de point de passages disposés pour former le périmètre de la zone de permis balade. Nous étions limité·es par le nombre de talkies-walkies, mais le problème fut résolu par une pirouette technique sur la base de l’usage de plusieurs fréquences pour rester en lien sans saturer les lignes.
Le lendemain après-midi, les enfants du groupe concerné furent réuni·es pour le passage de permis. Iels étaient plus calmes que d’habitude, iels venaient accompagné·es d’une sorte de sérieux qui était probablement lié au sentiment d’une mise à l’épreuve prochaine.
Les enfants nous écoutèrent exposer l’idée du permis : ce qu’il permettrait, le système de sanction lié au non-respect de ces règles, et enfin les règles du passage de permis. Iels donnaient tous·tes l’air d’avoir saisi l’enjeu de ce qui aurait pu être présenté comme un simple jeu de piste, mais qui portait là, l’étiquette solennelle de passage de permis. Beaucoup d’enfants avaient hâte d’utiliser les talkies-walkies qui étaient un objet nouveau pour elleux. Les groupes partirent un par un, Charline était au départ, tandis que moi, j’étais au milieu du parcours de 900m que représentait le périmètre de la zone. À chaque nouvelle balise trouvée, les groupes avaient pour consigne d’informer Charline de leur progression à l’aide du talkie-walkie. Les enfants étaient très enthousiasmé·es, et le fait de me retrouver au milieu de la boucle constituait une grande surprise pour elleux. Je les entendais discuter entre elleux avant qu’iels n’arrivent nez à nez avec moi au détour d’un chemin. Cela construisait une relation avec elleux « Oh salut Raph ! » me lançaient-iels amusé·es.
Le passage de permis se termina bien, iels avaient passé un bon moment. Nous leur annonçâmes qu’iels avaient tous obtenu leur permis, mais qu’iels étaient en période probatoire. Lors de leur première balade en autonomie, iels ne pourraient partir que 30 minutes. Seulement si cette balade se passait bien, iels passeraient alors du permis probatoire au permis complet… « comme pour le permis de conduire ».
Charline de retour de congé
Je croisai Théo juste avant la réunion d’équipe. Il paraissait épuisé, et sa première phrase fut : « Ils ont tous perdu leur permis. » « Comment ça ils ont perdu leur permis ? » le questionnai-je effondrée.
J’avais mis beaucoup d’espoir sur les permis balade, les enfants aimaient être en petits groupes sans adulte et la perspective de leur laisser cette possibilité et de pouvoir ainsi permettre davantage d’accompagnement individuel et de diversités d’activités devenait presque vitale pour le groupe et sa dynamique. De plus, cela nous aurait permis de libérer énormément certain·es enfants face à certaines oppressions qu’iels subissaient par d’autres.
Enfin bref, je me dépitais de plus en plus face au récit de Théo :
« Trois groupes sont venus me voir en début de veillée pour me demander s’ils pouvaient faire une soirée permis balade. J’ai répondu oui. Nous avons comme convenu, été chercher les talkies-walkies, les cinq pour laisser le sixième au bureau. Chaque groupe en avait un, il m’en restait donc deux pour garder la communication avec les baladeurs. Deux groupes étaient sur le même canal. Leurs permis probatoires leur permettaient trente minutes d’autonomie, cette première demi-heure se passa parfaitement bien. Ils me donnaient des nouvelles régulièrement, répondaient quand je leur posais des questions, tout fonctionnait comme prévu. Leur temps permis arrivant à sa fin, ils sont venus me voir pour demander s’ils pouvaient refaire un temps permis et donc repartir 30min. Je n’en avais aucune idée, je t’ai donc envoyé un message, mais comme tu ne répondais pas je les ai autorisés.
Peu de temps après leur second départ je sentis l’excitation venir. Il faut savoir que certains enfants, plus que se balader, aimaient être en possession d’un talkie pour parler dedans. Evan commençait à utiliser de plus en plus régulièrement le talkie et même après mes demandes d’arrêter de saturer la fréquence, il parla de plus en plus sans même relâcher le bouton, alors qu’il était sur le même canal qu’un autre groupe. Dans ce même temps, 4 enfants (un groupe de balade) s’étaient cachés dans la forêt et attendaient derrière des arbres afin de faire peur aux autres baladeurs. Ce qui fonctionna parfaitement. Tout ça se passa super vite, Evan racontait n’importe quoi dans un talkie, d’autres hurlaient dans la forêt, jusqu’au moment où je les vis tous débouler en me disant « Bryan s’est tordu la cheville il ne peut plus bouger. »
Théo finit son récit en me disant que la codirectrice avait suspendu tous les permis des enfants impliqué·es.
J’étais désespérée. Comment rattraper cela ? Certain·es avaient trouvé la réaction injuste, car iels avaient eu peur et n’avaient pas choisi de se retrouver avec l’autre groupe. Mais tous·tes n’avaient pas respecté la règle des 3 rôles donnée dans le permis : 1 blessé·e, 1 pour rassurer, 1 pour aller prévenir. C’est d’ailleurs pour cela que le minimum pour partir était à trois et non à deux.
Je me voyais mal continuer la fin de semaine sans permis balades. À leurs yeux, mon statut n’était pas valable et les régulations collectives mises en place ces derniers temps n’avaient pas beaucoup fonctionné. Nous avions déjà exclu un des enfants la veille. Je me sentais impuissante face à ce qui se passait. Théo était de congé le lendemain. Je réfléchissais à une solution.
Comment réagir alors que je n’avais pas vécu le moment ?
Quelle légitimité avais-je à le faire ?
Comment rattraper ça sans générer de l’absence de structure, de l’injustice face à certains enfants qui n’auraient potentiellement rien fait d’interdit ?
Je décidais alors de jouer sur une faille qui ne pouvait pas ne pas être considérée. Les enfants n’avaient pas été en situation optimale de mise en réussite. Un anim devant gérer 3 groupes de baladeur·euses en plus d’enfants restant·es : cela ne permettait pas une attention et une réceptivité totale. De nouvelles règles ont donc été mises en place :
Deux groupes de baladeur·euses ne peuvent pas être sur le même canal de talkie-walkie.
Deux groupes ne peuvent pas partir en même temps. Un laps de 10 minutes entre deux départs de permis balades est mis en place.
Il n’est pas possible de partir deux fois d’affilée en permis balade.
Le lendemain matin je réunissais donc tous·tes les enfants concerné·es. Evan ne voulait pas venir. Je lui expliquais alors que cette discussion était décisive sur la réhabilitation du permis, et que s’il ne venait pas, il ne pourrait en aucun cas le récupérer. Je n’étais pas encore au clair moi-même s’iels allaient tous·tes les récupérer.
Nous nous assîmes en cercle. C’est la première fois qu’iels m’écoutaient aussi attentivement depuis le début du séjour. Je vis dans les yeux de certains qu’iels ne faisaient pas les fier·es. Je leur parlai calmement et leur répétai les dires de Théo. Je les laissai ensuite m’expliquer leur version. Iels furent honnêtes et ne trouvèrent pas de contradiction à ce que je venais de leur rapporter.
« On fait quoi alors ? Vous étiez prévenus que vous étiez en permis probatoire, et qu’il serait possible de le perdre. »
Je leur proposai enfin de faire un tour de parole pour que chacun·e puisse s’exprimer sur ce qu’il serait juste de faire.
Certains furent dur·es avec elleux-mêmes, et dirent qu’iels devaient perdre définitivement leur permis. D’autres proposèrent qu’une chance leur soit laissée, mais de rester en probatoire pour le reste de la journée.
Après encore quelques minutes de discussion, et des analogies avec la « vraie vie » et le fonctionnement du permis de voiture notamment, nous actâmes pour un retour au permis « plus que probatoire » avec les nouvelles règles que j’avais imaginé la veille au soir.
La fin du séjour se déroula sans autres « gros problèmes », et plusieurs balades purent avoir lieu.
Analyse…
« S’ils vont voler des fraises, plante des fraisiers dans leur cour », écrivait Fernand Deligny. J’ai l’impression que c’est un peu ce qu’on a voulu faire avec le permis balade. Répondre à leurs besoins d’indépendance tout en étant rassuré·es nous-mêmes. Mais pourtant, ici, le permis a été un pansement en répondant à une situation d’urgence. Alors faut-il anticiper ? Mettre en place de l’institutionnel pour ouvrir des possibilités, des espaces sécurisés et responsabilisants au dépit d’en instaurer trop sans répondre à de réels besoins ? Ou attendre au risque que ça arrive trop tard ?
Dans cette situation, le manque de cadre dès le début ne nous a pas permis de nous retrouver réellement dans la meilleure disposition pour mettre en place le permis balade. Il est venu réparer et boucher une faille qui s’était construite, et qui était en train de s’écarter de plus en plus.
L’idéal serait donc d’enlever cette absence de structure qui ne permet pas à la personne de comprendre les conséquences de ses actes face à elle-même et face au collectif. L’institutionnel doit être présenté dès le début comme un cadre libérant où la contrainte n’est pas triste, car elle est la condition à une liberté qui n’est pas l’abandon et l’oubli dans l’inconséquence.
Le permis est un institutionnel émancipateur qui autorise, à condition que des ingrédients joyeux s’y retrouvent : le jeu, la confiance, la liberté, la découverte, l’apprentissage, la responsabilité. Il est cependant exigeant et demande d’identifier le plus précisément les contours des zones à risque pour ensuite établir une carte qui doit être consultée pour pouvoir naviguer en évitant les récifs. Cette exigence se retrouve à travers des compétences pédagogiques de lecture des publics, des situations, et des moyens dont nous disposons pour permettre la mise en réussite. L’idéal garderait la spontanéité et la réponse au besoin du moment. En recadrant de manière la moins autoritaire possible pour permettre la compréhension, la responsabilisation et la prise en main du cadre par les enfants elleux-mêmes.